This is not a game.

Wyatt n'aimait pas les rentrées. Et sur les trois qu'il avait pu faire, toutes lui avait donné le même ressenti : les premiers jours et premières semaines étaient horribles. C'était pourtant lui qui avait insisté pour garder les premières années, mais l'excitation que certains pouvaient avoir, et leur manque de sérieux, avaient tendance à le faire tilter beaucoup plus qu'il ne l'aimerait. Ce n'était pas une colonie de vacances que de rejoindre les rangs de Fantastic Row, et quelques recrues semblaient l'oublier, visiblement. Entre leur insouciance, leurs rires et messes basses, et leur attitude désinvolte, le militaire ne savait plus où donner de la tête. Et ce n'était pas comme s'ils étaient particulièrement doué, qui plus est, pour la plupart.

« Hey, reste ici. » Qu'il ordonne au groupe des derniers élèves à quitter le terrain d'entrainement, alors que le cours venait de finir. « Tian Calix. » Depuis le temps, il l'avait retenu, son prénom. Son regard un peu plus dur qui se pose sur l'adolescent (?) qui s'était retourné vers lui. Un silence s'installe alors que le professeur n'ajoute rien de plus, laissant les autres quitter les lieux avant de régler ses comptes. Il finit même par croiser les bras, un masque impassible sur le visage.

Et une fois qu'il arrive enfin devant lui, il se permet de reprendre, son ton clairement plus froid qu'avant.

« Dis-moi, Calix. Tu es ici pour quoi exactement ? C'est pas en discutant et rigolant avec les autres que t'arrivera à réussir à toucher ta cible je crois, non ? » Parce qu'il l'avait bien observé tout au long de ses essais, et le jeune garçon ne semblait pas une seule fois avoir réussi à viser juste.

ses lèvres sont étirées, comme elles ne devraient pas l’être. ses diverses protections pour les yeux et les oreilles ne font pas percuter à son esprit qu’il n’était ni le moment ni le lieu pour rire aux éclats avec ses voisins. peut-être que le garçon ne réalisait pas encore toute l’importance de ses apprentissages dans cette académie : s’il en avait compris et accepté le but, ses réelles motivations en restaient très floues. il savait très bien, calix, qu’il n’était pas ici pour s’amuser, mais sa récente renaissance l’empêchait de réfléchir plus loin que le bonheur procuré par chacune de ses bouffées d’air frais. ses doigts fins sur la gâchette, son bras tendu vers la cible, son oeil mi-clos afin de mieux viser le centre, et son rire qui se fait inlassablement entendre autour de lui quand l’impact de la balle n’atteint pas son objectif espéré. ses amis ont beau lui balancer tous les conseils qu’ils veulent, calix n’arrive pas à les mettre en œuvre, et préfère rire de ses défaites perpétuelles, sa joie et sa bonne humeur qui distraient ses camarades. à des kilomètres de se rendre compte que son comportement presque euphorique le pousse peu à peu dans le viseur de leur cher professeur dont la réputation aurait du le mettre en garde.

ses yeux s’écarquillent, quand son nom prononcé d’une manière si froide et autoritaire parvient à ses oreilles, peut-être même était-ce la première fois ? trop habitué à entendre ces syllabes avec trop de douceur comme sa mère peut si bien le faire. il se retourne lentement, affrontant le regard encore plus effrayant qu’il ne l’imaginait de son professeur. plus aucun élève autour de lui, il ne restait plus qu’eux. et ses mots qui se font encore plus glaciales que les précédents ; l’idiot qui sent ses membres se figer à cette question. je- qu’il balbutie. à préférer rire de ses échecs plutôt que d’en pleurer, sa positivité n’était pas appréciée aujourd’hui. c’est parce que j’y arrivais jamais alors ça me faisait… rire ? pitoyable plaidoirie, et pourtant criarde de vérité, mais à mesure qu’il déballe ses paroles, calix perdait confiance en sa justification. je suis désolé, monsieur.

« Ça te fait rire de rater ? » Qu'il répète, un brin irrité par cette réponse qu'il lui offre, et quelque peu surpris de le voir répondre si honnêtement sans réaliser les bêtises qu'il débitait. Il serre les dents, quelques secondes, avant de finalement reprendre. « Ça te fera rire de rater, demain, si tu te retrouves à devoir protéger tes camarades ou les habitants de Yeosu ? » Chaque tir manqué représentait aux yeux du professeur toutes les fois où cela aurait pu coûter la vie à quelqu'un, et il ne supportait pas ça. « Quand tu rateras ta cible qui, elle, ne manquera pas la sienne ? » Parce qu'il faut bien commencer quelque part. Et s'il faut secouer les élèves pour qu'ils prennent leurs cours avec sérieux, Ahn Seok n'avait pas peur de le faire. Il n'avait même pas besoin de chercher bien loin s'il souhaitait argumenter, les évènements qui étaient arrivés pendant le festival l'été dernier, et où d'autres recrues de première année s'étaient retrouvés sur le champ de bataille alors même qu'ils en savaient beaucoup moins qu'aujourd'hui, étaient la preuve qu'ils n'étaient pas à l'abris de devoir agir et réagir, aussi jeune recrue pouvaient-ils être. Est-ce que lui aussi, il se reposait uniquement sur le nouveau don qu'il avait reçu ? Quelle idiotie. « L'académie n'est pas censé être l'endroit qui te donne envie de sourire et de rigoler à tout va. On est censé vous enseigner comment être de futur soldat, et comment protéger les gens autour de vous. J'imagine que je ne dois pas être le premier à te le dire, non ? » Yeong Hwan devait bien radoter là dessus, non ? « Tu crois sérieusement qu'il suffit de plaisanter pour compenser ce que tu n'arrives pas encore à réaliser ? » Et il ne détournait pas son regard une seule seconde de celui du jeune homme. Il s’attendait à une réaction, un déclic, quelque chose qui montrerait que Calix commençait à comprendre qu'il ne suffisait pas de simples excuses pour que son professeur passe à autre chose.