sweet night. (+) siobhan & kosma.

( OUTFIT — MUSIC. ) Comme chaque nuit, l'ukrainien regarde tout le monde aller se coucher à tour de rôle ; il connaissait désormais par cœur les petites habitudes de son petit groupe. Il savait aussi qu'il allait entamer une énième nuit d'insomnie mais surtout de solitude. Il s'y était habitué depuis le temps mais c'était parfois assez dur de réaliser à quel point il pouvait être différent, anormal. Alors que le dernier des couche-tard le salue et prend la direction de son lit, Kosma lui fait un petit signe de la main. Il éteint la petite télévision et pose son livre pour s'étirer un peu. Il vient dans la cuisine se préparer son lait fraise habituel, celui qu'il boit tout les soirs en guise de boissons réconfortante. Ayant un peu chaud, il décide d'ouvrir la moustiquaire coulissante qui mène au petit balcon pour la refermer derrière lui. Prendre l'air lui ferait du bien même s'il risquait de se faire croquer par des moustiques. Une fois assit sur l'une des chaises du petit balcon, ses yeux se portent automatiquement vers le ciel. C'était dommage qu'à cause de la pollution lumineuse de l'école, on ne pouvait pas bien les voir et les observer d'ici. Le meilleur endroit c'était clairement le toit de la piscine. Le bâtiment était assez haut et surtout, il était à l'écart des autres.

Alors qu'il rêvasse, il s'attache à nouveau ses cheveux, devenus vraiment longs. Puis il entend la moustiquaire coulisser derrière lui, ce qui le surprend un peu. Il se tournait alors en direction de la silhouette qui venait le rejoindre sur le petit balcon. C'était Siobhan. Autrement dit, le garçon pour lequel il avait une attirance toute particulière. Naturellement, comme à chaque fois, ses joues s'enflammaient un peu et ses oreilles prirent une teinte légèrement rosées. Tu ne dors pas? demandait-il tout simplement en lui laissant un peu de place. Intérieurement, il était très content de pouvoir passer un peu de temps en tête à tête avec lui. Quelque chose t'as réveillé ou t'empêche de dormir...? Oubliant de ne pas être trop tactile envers le garçon, il avait saisi sa main doucement avec la sienne pour simplement la tenir. Le temps qu'il s'en rende compte... Il se sent idiot et retire sa main, affichant un léger sourire gêné.

La chaleur était accablante. Bien trop intense pour l'Irlandais, qui peinait à trouver le sommeil, toujours trop peu habitué aux températures étouffantes des nuits estivales de Corée. Il faut dire qu'à Galway, les étés étaient bien plus doux, presque rafraîchissants en comparaison. La bouteille d'eau à côté de son lit était vide, et et le ronronnement incessant de la climatisation de la pièce l'empêchait de la laisser allumée une fois tout le monde couché. Il soupira silencieusement en se tournant pour la énième fois dans son lit. La nuit allait définitivement être longue s'il comptait essayer de s'endormir dans ces conditions. Finalement, sans un bruit, il se résigna à se lever, attrapant le premier short qu'il trouva. Il l'enfila rapidement et sortit de sa chambre, sa bouteille d'eau vide en main, en veillant à ne réveiller personne lorsqu'il referma doucement la porte derrière lui. Il savait Ye Won particulièrement sensible au bruit, et n'avait aucune idée de l'heure à laquelle s'étaient couchés ses autres camarades. Par habitude, il posa ses lunettes sur le haut de sa tête. Si jamais il croisait quelqu'un, il préférait être prêt.

En passant par la cuisine, il se débarrassa de sa bouteille vide et en prit une nouvelle, fraîche, tout droit sortie du frigo. Son regard curieux se posa sur le salon. Kosma était-il déjà parti dormir ? Il le chercha du regard tout en se désaltérant, peu sûr d'avoir entendu une quatrième personne aller se coucher pendant qu'il se tournait et retournait dans son lit. Un instant plus tard, le voilà qui faisait face au balcon. Sa bouteille d'eau abandonné dans la cuisine, et le bruit de ses pas n'ayant pas semblé attirer l'attention du jeune Ukrainien qui s'y trouvait. Devait-il le déranger ? Kosma ne lui avait-il pas confié récemment ses difficultés à dormir ? Siobhan mordilla doucement sa lèvre inférieure, mais sa décision était prise. Il remit ses lunettes sur son nez, bien qu'elles ne lui apportaient que peu de confort à cette heure de la nuit. Foutu pouvoir. Peut-être serait-il temps pour lui d'aller embêter la team de Milo pour leur demander de nouvelles lunettes à mettre une fois le soleil couché. A défaut de vouloir apprendre à maîtriser tout ça, peut-être pourrait-il trouver un moyen de contourner le problème. La moustiquaire qu'il vient alors ouvrir, s'infiltrant à son tour sur la terrasse. Je te dérange pas, j'espère ? Qu'il répond spontanément à sa première question. A la deuxième, il soupire doucement, passant une main dans ses cheveux qui s'accrochaient légèrement à son front, les ébouriffant un peu. Il fait trop chaud ce soir, tu trouves pas ? Je sais pas comment les autres font pour dormir... Et lorsque la main de Kosma rejoint la sienne, il n'a pas le temps de réagir particulièrement que le garçon la retire, rendant l'Irlandais quelque peu confus sur ce qu'il venait de se passer. Devait-il réagir d'une quelconque manière ? Dire quelque chose ? T-tu dors pas non plus ? bégaya-t-il finalement, conscient de l'absurdité de sa question, sachant pertinemment que Kosma était souvent victime de ces insomnies tenaces...

( OUTFIT — MUSIC. ) Depuis leur dernière discussion, leur relation c'était nettement améliorée car chacun faisait des efforts envers l'autre. Kosma essayait d'être plus patient et compréhensif, il essayait de ne pas se mettre de fausses idées en tête et de laisser tout l'espace dont l'irlandais avait besoin. Parfois il se montrait maladroit, mais c'était toujours fait dans la volonté de bien faire. Là encore, il avait pensé dépasser ses limites en attrapant sa main automatiquement ; il était naturellement très tactile, mais il savait que cela pouvait déranger la majorité des gens. Tu ne me dérange pas, j'suis content que tu viennes un peu me tenir compagnie. disait-il en lui adressant un petit sourire. Il pose son paquet de bonbons préféré devant eux, l'ouvrant face au garçon pour l'inviter à se servir s'il en voulait. Il avait souvent tendance à compenser sa solitude par ces petites sucreries à la fraise. C'est vrai qu'il fait chaud... Mais je ne dors jamais quand vous dormez. C'est une habitude que j'ai prit. Je ne veux pas... Vous déranger pendant que vous vous reposez. Surtout que vous en avez besoin. disait-il en avouant à demi-mot que son pouvoir était un problème pour les autres.

Il laisse un petit silence s'installer, profitant du bruit des insectes dehors : les criquets étant particulièrement actifs ce soir. Au moins, en été, je peux observer les astres... Ces derniers jours il y a même des pluies de météores. Tu en as déjà vu? demandait-il simplement en observant un peu Siobhan qui semblait réellement souffrir de cette chaleur. Il se rendait compte qu'il ne devait tout simplement pas y être habitué. Alors Kosma se redresse et sort de sa poche un objet auquel il tient énormément. C'est un petit bandeau qu'on lui avait offert et qui lui portait bonheur. Il ne s'en séparait que rarement. Mais là, il voyait bien que l'ukrainien souffrait de la chaleur et de l'humidité. Devant lui, il attrape sa bouteille d'eau et en verse un peu sur le bandeau avant d'attraper doucement le poignet gauche du garçon pour le lui attacher sans trop le serrer. Le voir porter ce petit bandeau était très symbolique pour l'ukrainien. La fraicheur de l'eau sur le bandeau, appliqué sur ton artère va aider ton corps à se réguler. Si tu ne supportes pas la chaleur, ça peut t'aider un peu. En plus il te portera chance. Rend-le moi quand il fera moins chaud. disait-il doucement avant de détourner le regard vers le ciel à nouveau.

Siobhan connaissait pertinemment le pouvoir de Kosma, cette capacité inquiétante d'entrer dans les rêves des autres, de tisser des cauchemars à partir de leurs peurs. C'était une force mystérieuse à laquelle l'Irlandais ne se souvenait pas particulièrement avoir déjà eu affaire, réflexion faite. Et bien qu'il n'en ait jamais parlé ouvertement, il en avait toujours eu une certaine appréhension. A quoi ça ressemblait, exactement ? Était-ce si horrible que ça pour que Kosma décide de rester éveillé, de s'isoler volontairement, simplement pour éviter de les troubler pendant leur sommeil ? Siobhan fixa un instant le sol, luttant contre l’envie de dire quelque chose de plus, de reconnaître l’effort que Kosma faisait pour eux. Mais, fidèle à lui-même, il opta pour la retenue. « C’est… compréhensible... » se contenta-t-il de dire simplement. « Mais je suis persuadé que personne ici t'en voudra s'il arrive quelque chose. » Ajouta-t-il finalement, comme pour le rassurer un minimum. Et puis, c'est quoi un cauchemar, de temps en temps. Est-ce que ça ne les aiderait pas justement à se renforcer même dans leur sommeil ?

Un court silence s'installa entre eux, rythmé par le chant des criquets, que le garçon à côté de lui brisa bien rapidement. « Quand la météo le permettait, j'avais l'habitude de regarder les perséides avec ma sœur jumelle, à Galway. » Il marqua une pause, un peu surpris par sa propre confession spontanée. Depuis son arrivée à Fantastic Row, c'est comme s'il avait tiré un trait sur le fait de parler de sa vie privée, préférant éviter d'ébruiter son passé çà et là. Avait-il déjà mentionné sa sœur à Kosma ? Était-ce la première fois qu'il en parlait ? Il n'était pas sûr, mais cette pensée le laissa pensif. Il reprit tout aussi calmement, quelques secondes après : « Mais ça fait longtemps que je n'en ai pas vu. Depuis que je suis arrivé en Corée en fait. » Il leva les yeux vers le ciel, alors même qu'il ne pouvait observer aucune étoile actuellement. « Peut-être que je devrais m'y remettre ? » Et quand le jeune homme attrapa doucement son poignet pour y attacher le bandeau humidifié, il le laissa faire sans broncher, bien que ce geste inattendu l'étonna un peu. La fraîcheur contre sa peau était agréable. « Merci. » dit-il finalement. « C'est... pratique. » Il ne connaissait pas du tout cette méthode, mais elle semblait presque instantanément efficace. Il baissa les yeux sur le bandeau, effleurant brièvement le tissu du bout des doigts. Était-ce vraiment correct pour Kosma de le lui prêter ? « Je vais faire attention à pas le perdre d'ici là alors. » ajouta-t-il avec un léger sourire pour ponctuer sa phrase. Il n’était pas du genre à se laisser facilement émouvoir, mais la simplicité et la sincérité de Kosma le désarmaient un peu plus à chaque fois.

( OUTFIT — MUSIC. ) L'ukrainien n'ose pas forcément le regarder trop longtemps, même s'il aimerait bien l'observer car il n'en avait pas tant l'occasion que ça. Il ne voulait pas le mettre mal à l'aise et le revoir fuir à nouveau ; il prenait sur lui et faisait des efforts. Je ne suis pas sûr qu'on ne m'en voudra pas, même si tout le monde ici est au courant de mon pouvoir... Venir dans le subconscient de quelqu'un, c'est très intrusif... Et encore plus pour lui faire peur et comprendre la moindre de ses faiblesses. disait-il en baissant le regard sur ses propres mains, comme s'il avait fait quelque chose de grave avec celles-ci. Il avait longtemps détesté ce pouvoir car il ne lui avait apporté que des problèmes, il s'était retrouvé seul et isolé mais maintenant, il apprenait simplement à vivre avec. Il chassait alors ses pensées négatives qui venaient d'envahir sa petite caboche, se tournant vers le garçon pour lui sourire faiblement, montrant que c'était un sujet difficile mais qu'il y travaillait énormément. J'ai aussi une apparence qui me déplait, une fois dans les songes. J'évite les miroirs... Ou le reflet de tes lunettes pour ne pas me voir. avouait-il avec un air qui semblait tenter de se détacher. Tout deux s'ouvraient l'un à l'autre et il était content de voir la réciprocité du côté de l'irlandais. Il essayait vraiment, et c'est ce qui comptait à ses yeux. Tu as une soeur...? Tu ne m'en as jamais parlé, c'est peut-être un sujet sensible pour toi. Je suis désolé. Je ne voulais pas raviver quelque chose de douloureux. disait-il finalement alors qu'il le regardait porter son regard sur les étoiles. Il ne devait rien voir avec ses lunettes...

L'ukrainien cherche rapidement un autre sujet de conversation, parce qu'il ne voulait pas que le silence s'installe trop longtemps... Surtout pas après avoir mentionné quelque chose de potentiellement sensible pour lui. Il se redresse un peu brusquement, toujours trop spontané lorsqu'il panique. Il pointe du doigt une zone sombre droit devant eux, on pouvait y décerner les contours du bâtiment qu'est le complexe aquatique. Tu sais il m'arrive souvent de m'échapper en douce la nuit... J'avoue... disait-il avant d'ajouter : En fait, là bas, c'est le coin le plus sombre de l'île et c'est assez haut pour observer les étoiles. J'y ai mis mon matériel pour observer les étoiles. Son regard s'illumine et, toujours de façon irréfléchie, il attrape la main de l'irlandais. Est-ce que ça te dirais qu'on y aille ce soir? Je te monterais les constellations et les pluies de météores ! Dès qu'il parlait de l'astronomie, ses yeux brillent de mille feux. La passion qui l'anime semble lui avoir redonné sa joie de vivre et sa véritable personnalité. Une facette qui ne ressortait pas si souvent. Mais il était heureux de pouvoir partager un moment rien qu'avec l'irlandais. Tu pourras retirer tes lunettes, je ne te regarderais pas. Je te promet. disait-il en serrant un peu plus fort sa main au creux de la sienne.

Il laissa échapper un soupir de ses lèvres, court mais profond. « Si quelqu’un te le reprochait vraiment… ce serait une platitude insensée. Aux dernières nouvelles, aucun de nous n'est responsable du don qu’on a pu recevoir à cause de ce produit bizarre, juste de la manière dont on les utilise. » Il marque une légère pause, réfléchissant à la suite de ses pensées, ce qu'il pourrait dire, sans paraître trop froid ou trop dur non plus. « Tu vas avoir des gens qui ne contrôlent pas encore correctement leur don. Puis d'autres qui le contrôlent mais qui en ont un intrusif. Puis tu as ceux qui ne le contrôlent pas ET qui en ont un intrusif. Comment tu veux réussir à manier correctement tes capacités si t'es pas en mesure de justement venir dans le subconscient de X ou Y pour apprendre à correctement maîtriser tout ça. Et au pire, ça se trouve tu pourrais justement les aider à vaincre ces faiblesses. » De beaux discours pour quelqu'un qui n'était même pas en mesure d'appliquer ces mots à sa propre personne. « En plus, j'crois que t'as une autre miss qui s'infiltre dans les rêves sur le campus, mais personne sait quand ou comment, c'est pas pire ça ? » Enfin, ce n'était que des choses dont il avait entendu parler, il n'était même pas certain de savoir qui est-ce que c'était exactement. Mais la simple idée que l'on puisse rentrer dans son subconscient sans qu'il ne le sache le faisait frissonner ; il préférait largement en être un minimum conscient, et encore plus de savoir de qui il s'agissait. Alors, oui, s'il s'agissait de Kosma, ça le dérangerait beaucoup moins.

Une fois son monologue finit, il attrapa une feuille qui était tombée sur la rembarde de leur terrasse, jouant avec l'une de ses nervures, occupant ses mains alors qu'il écoutait à nouveau son camarade lui avouer une nouvelle faiblesse. L'idée que Kosma puisse se percevoir différemment dans l'espace onirique, évitant les reflets comme une ballerine éviterait un faux pas, lui rappelait beaucoup son cas à lui. Il mentirait d'ailleurs s'il disait ne jamais l'avoir remarqué, s'il disait que ce n'était pas impressionnant la première fois. Mais devait-il pour autant réagir négativement ? Il savait mieux que quiconque qu'ils ne choisissaient pas ça. Une contrainte que tous deux partageaient, Siobhan peut-être plus chanceux que lui sur ce point. Ce reflet qu'il détestait de sa personne, ne semblait être visible que par lui-même. « Si un jour t'es curieux, et que t'as peur d'aller dans les rêves de quelqu'un d'autre... Viens dans les miens. » Il n'y trouvera sûrement pas grand chose. Après tout, Siobhan rêvait rarement d'autre chose que cette masse amorphe aux gros yeux bleus. De cette masse qu'il associait justement à son reflet une fois son pouvoir trop utilisé. « Tu risquerais d'être surpris. » Et puisqu'ils étaient aux aveux, Siobhan ne pouvait revenir en arrière. « J'évite d'en parler. » Comme beaucoup de choses. « C'est juste que c'est compliqué entre elle et moi, alors je préfère pas trop parler d'elle. » C’était comme si mentionner sa sœur faisait partie de ces choses dont il avait inconsciemment choisi de se distancier depuis son arrivée à l'académie.

Alors que l'atmosphère devenait plus sombre, Kosma changea soudainement de sujet. C'est vrai qu'il faisait parti du club d'astronomie. C'était un détail qu'il avait oublié, mais qui lui revenait soudainement lorsqu'il évoqua son matériel. Siobhan comprit alors un peu mieux l’étincelle dans ses yeux. Cette passion, visible sur son visage, remplaçait agréablement l’air morose qu’il affichait juste avant. Cela lui allait mieux. L'idée de s’échapper en douce pour observer les étoiles qu'il lui proposa attisa sa curiosité, ses envies d'escapade. « Allons-y. » Il aimait ça, Siobhan. Les balades nocturnes, le calme. Et peut-être allait-il pouvoir en profiter pour revoir ces étoiles qu'il n'avait pas pu observer depuis des années. Et si en plus il avait l'opportunité de retirer ses lunettes… « Je te fais confiance, tu pourras t'en prendre qu'à toi même. » En retour, il serra à son tour la main du garçon, comme pour valider sa proposition.

( OUTFIT — MUSIC. ) L'ukrainien écouta attentivement le monologue, sentant une chaleur familière se répandre en lui alors que l'Irlandais parlait de son pouvoir, de ses propres doutes. Chaque mot semblait résonner profondément en lui. Il sentit un mélange de deux sentiments. Soulagement, parce que quelqu’un d’autre semblait comprendre ce qu’il vivait, et gêne, parce qu'il n'était pas habitué à cette intimité, à cette ouverture partagée. Lorsque le garçon mentionna l’autre personne capable de s’infiltrer dans les rêves, sa tête fit une légère inclinaison. Il se demanda si cette personne avait les mêmes craintes et doutes que lui.

Lorsque Siobhan attrapa une feuille tombée sur la terrasse, jouant avec une nervure entre ses doigts. Ce petit geste, presque insignifiant, captiva son attention. Il y avait quelque chose de délicat, presque poétique dans ce simple mouvement. C'était comme s'il cherchait à se distraire, à masquer ses propres insécurités derrière ce petit acte. Et Kosma se sentit encore plus lié à lui à cet instant, comprenant qu'ils étaient tous deux des âmes en quête de d'authenticité. Tu as raison murmura Kosma, baissant les yeux sur sa propre main. Personne n'est responsable du don qu'on a reçu… et encore moins de la façon dont il s'est manifesté. Il releva la tête, croisant son regard. Mais… c’est vrai que c’est difficile de ne pas me sentir coupable, parfois. D’avoir l’impression que j'ai… usurpé quelque chose, que ce pouvoir n'est qu'une manière de frauder dans la vie des autres.

Il marqua une pause, hésitant avant de continuer. Quand tu dis que je pourrais aider les autres à surmonter leurs faiblesses… ça me touche vraiment. Je n’y avais jamais pensé comme ça. Je crois que j'ai toujours vu ça comme une dégénérescence, quelque chose qui m'éloignait des autres. Mais peut-être que je me trompe… L'ukrainien inspira profondément. Il regarda ce garçon qui lui plait, et il sent qu'il ne s'est pas trompé sur ce qu'il ressent pour lui. Et lorsqu'il propose de venir dans ses rêves, l'idée le touche plus qu’il n'aurait pu l’admettre. Ce geste, c'était un signe de confiance énorme. Tu sais, je... j'apprécie vraiment ce que tu viens de dire. Il se sentit légèrement rougir, embarrassé par l'intensité de ses émotions. Je... je veux dire, je ne veux pas que tu penses que j'abuse de ta gentillesse ou quoi que ce soit, mais... c'est important pour moi, cette confiance. Il serra un peu plus fort la main du garçon dans la sienne.

Quand l'irlandais parla de sa sœur, il ressentit une pointe de regret. Il avait abordé un sujet sensible, sans le vouloir. Je suis désolé… Parfois, je parle sans réfléchir. C'est une de mes faiblesses. Un petit sourire triste passa sur son visage. Mais si jamais tu veux en parler un jour… Je veux juste que tu saches que je suis là, d'accord ? Il sentait son cœur battre un peu plus vite. L'idée de partager ce moment avec lui et les astres le remplissait de joie. Il avait accepté, c'était la plus belle soirée qu'il avait passée depuis longtemps.

Kosma, sans trop réfléchir, tira doucement la main du garçon pour l’entraîner à l’intérieur de l’appartement. Il se diriga vers la porte d’entrée, enfilant ses chaussures. Il jeta un coup d'œil à Siobhan qui faisait de même. Puis il reprit timidement sa main dans la sienne, son pouls s'accélérant à ce contact. Ils quittèrent l’appartement, armé d'une lampe de poche, l’allumant pour éclairer leur chemin à travers l’école plongée dans l’obscurité. Conscient de la vue de l'irlandais, il marcha lentement, ajustant son rythme pour être sûr qu’il puisse suivre sans difficulté. Fais attention, juste là...! À chaque obstacle – une marche, une racine, ou une dalle de pierre irrégulière, il s’arrêtait.

Leurs pas résonnaient dans la nuit. Il se sentait étrangement à l'aise dans la pénombre. Après un moment qui lui sembla à la fois long et trop court, ils atteignirent enfin le complexe aquatique, un bâtiment dont les contours se dessinaient vaguement dans l’obscurité. Il entre dans le bâtiment et se dirige vers une échelle qui mène au toit, il était assez éloigné des lumières pour offrir une vue imprenable sur le ciel étoilé.

Sa gentillesse ? Était-il particulièrement gentil envers lui ? Siobhan pensait simplement être honnête avant tout, lui faisant part de son point de vue afin de le rassurer, certes, mais surtout parce qu'il trouvait ça complètement débile que l'on puisse en vouloir aux gens pour ce genre de raison. Et s'il lui proposait de venir au sein de ses rêves... Oui. Peut-être était-ce un signe de confiance, tout compte fait. De la même façon qu'il se sentait peut-être un peu plus apte à discuter de sa vie privé avec lui, un de ces jours. « Tu peux dire ce qui te passes par la tête tu sais. Je préfère ça aux gens qui gardent tout pour eux ou qui disent ce qu'ils ne pensent pas, justement. Et puis, tu pouvais pas savoir non plus. » Donc même s'il avait réfléchit, comme il le disait si bien, il n'aurait jamais pu se douter de quelque chose dont il n'avait pas conscience.

Après avoir accepté la proposition du garçon, et avoir enfilé leurs chaussures, voilà que Kosma l'attrapait à nouveau, l'incitant ainsi à le suivre. Cette proximité, rare entre eux, éveillait en lui une étrange sensation. Siobhan n'était en général pas vraiment tactile, et encore moins depuis qu'il avait rejoint l'académie et le programme. Il n'était plus habitué à cette forme d'intimité (malgré les quelques fois où Kosma avait déjà réussi à attraper sa main par le passé) et ne saurait dire s'il l'appréciait particulièrement, mais en même temps, il n'avait aucune envie de la briser. Et alors que Kosma prenait soin de lui annoncer chaque obstacle qu'ils croisaient sur leur chemin, Siobhan -malgré toute sa prudence- réussit quand même par se prendre les pieds dans une petite racine dissimulée dans l'obscurité. Il trébucha alors, vacillant sur quelques pas alors qu'il s'était rattrapé par réflexe à la main et au bras de son ami. Il s'excusa aussitôt, frustré par son comportement et sa maladresse. L'irlandais ne savait pas exactement ce qui le dérangeait le plus à cet instant : l'idée de ralentir leur progression, de dépendre de Kosma pour chaque pas, ou peut-être la culpabilité d’imposer sa propre vulnérabilité à son ami. Ce petit incident qui devient la goutte qui fait déborder son vase, et l'envie soudaine de se débarrasser dès maintenant de ces lunettes qui lui gâchaient la vie. D’un geste brusque, Siobhan remonta ses lunettes sur son front, libérant son regard du filtre oppressant qui obscurcissait sa vision. « Ça sera plus facile comme ça. » Il faisait nuit, et ils cherchaient un endroit non lumineux. Il lui suffisait de garder ses yeux loin de ceux de Kosma, et de prendre sur lui pour réaliser ces efforts nécessaires s'il souhaitait épargner les souvenirs du jeune homme.

La fraîcheur de la nuit se faisait ressentir, et sans ses lunettes, le monde lui apparaissait toujours différemment. C'était pour ça aussi qu'il appréciait être seul, de temps en temps, pour pouvoir se libérer de la pression constante qu'il s'imposait afin de préserver son visage au sein des mémoires. Siobhan les retirait rarement, même pendant les entrainements de simulation. A quoi bon s'il pouvait s'en sortir en usant simplement de ses autres capacités. Alors ça lui faisait toujours bizarre d'être accompagné de la sorte, quand il ne les avait plus sur le nez. Peut-être avait-il mis trop d'importance en ce simple objet qui le faisait se sentir plus vulnérable dès qu'il les retirait. C'était comme un bouclier en moins, à ses yeux. Il suivit tout du long Kosma, sans un mot de plus sur le chemin, se contentant de regarder où il marchait cette fois-ci. Il ne reprit la parole qu'une fois arrivés au sein du bâtiment. « Tu as déjà tout de disponible sur le toit ou il faut aller chercher d'autres choses quelque part ? » Lui demanda-t-il, se proposant implicitement pour l'aider si besoin était.