take it like your last breath

Le pas se fait plus lourd, avançant pour mieux empiéter dans l’espace personnel d’une personne qui l’a fui durant des mois et quelques petites années. Sans cesse dans l’éventualité de ne jamais recroiser son sourire pernicieux et ses mots tout aussi emplis de mesquinerie.

━   Eh bien, ravi de te revoir, petit chaton. On se dirige vers son club favori ?

Peu importe les endroits, qu’ils soient vers les étoiles ou aux tréfonds des souterrains boueux, elle ne pourra jamais s’échapper des griffes d’un bourreau prêt à terminer son travail. Qu’elle ne se surestime pas, n’étant pas plus utile aujourd’hui pour ces changements notoires, ce n’est pas cela qui définit un individu. Il sait très bien qu’elle optera pour le silence et la fuite, attrapant le poignet avec la douceur d’un ami, sous le regard aiguisé d’un tortionnaire.

━ On discute, non ? Tu vas trembler alors qu’on se revoie ? Tu possèdes une détermination aussi faible ? Il souffle un rire bas, léger. Tu ne fais que bluffer, n’est-ce pas ? Tout ce que tu as toujours été.

L’air qui s’essouffle, qui déçoit par ses syllabes qui s’écrasent devant lui. Qu’elle ne se fasse pas d’illusion. En jouant avec cette option de trahison en quittant sa section pour les dragons empoignants, il est certain que Callum doit lui faire payer en avance tout ce qu’elle n’a jamais été capable d’accomplir. La violence, même verbale, doit être choisie avec stratégie.

━ Et je suppose que tes petits protégés s’en sortent bien, sans connaître ton histoire ? Je parie que tu les tiens éloignés. Il fredonne, les phalanges pianotant sur l’épiderme féminin de son poignet. Tu penses que cela restera un secret jusqu’à la fin de tes études ? Tu as toujours été bercé d’illusion.

Sûrement sa plus grande erreur. De penser pouvoir gérer quelque chose qu’elle ne contrôle pas. Et qu’elle n’a jamais possédé de toute façon.

Elle avait un mauvais pressentiment, cette sensation si typique dans ses entrailles qui précède l'annonce d'une mauvaise nouvelle bien présente. Le vent qui semble s'être levé, ses muscles déjà crispés sous l'inquiétude et la nausée qui s'empare d'elle sans même qu'elle aille eu besoin de se retourner pour savoir qui la suivait. Une cadence qu'elle ne reconnaît que trop bien, à son grand malheur; l'une des personnes qu'elle aurait souhaité ne jamais rencontrer, un véritable enfer vivant pour la dragonne qui ne souhaite que se retrouver six pieds sous terre lorsque leurs corps partagent la même pièce.

Ses mains se réfugient dans les poches de son sweater, sa respiration qui se fait plus incertaine mais qu'elle s'efforce à garder silencieuse malgré tout. Son coeur bat la chamade, son regard flouté par l'angoisse qui s'empare d'elle. Se taire, la seule avenue, la seule manière qu'il la laisse possiblement tranquille. Callum répondra à n'importe laquelle rétorque qu'elle pourrait pondre en guise de mécanisme de défense; mais si elle l'ignore, peut-être..? L'indifférence aura fonctionné une ou deux fois, mais vraisemblablement, son némésis est en quête de quelque chose, et Yubin ne sait pas si elle pourra se débarrasser de lui.

Malgré elle, un bruit s'échappe du fond de sa gorge; effet de surprise causé par le contact entre la main de l'homme et le poignet de la dragonne. Et elle est prise au piège, Yubin, elle ne peut pas s'échapper. Parce que si elle court, il courra tout aussi rapidement. Si elle le repousse, il redoublera d'effort. L'intimidation, une tactique comme une autre que Callum emploie beaucoup trop bien, que Yubin tente d'invoquer en le fixant du regard, oeil à oeil, sans oser cligner des yeux. Yubin, elle ne sait pas ce qu'elle tente de faire, croyant peut-être qu'elle s'enlise davantage. Mais lorsque chaque porte qui s'ouvre à elle ne la mène que vers l'échec, la meilleure chose à faire est d'au moins de se battre. L'espoir qui fait vivre, même si en vain.

Parce qu'elle bluffe, oui. Il le sait, elle le sait, elle tremble devant son aura qui la terrifie et toute confiance qu'elle aurait pu avoir bâti s'écroule comme un piètre château de cartes. Elle arrive à décrocher son regard du sien, ses yeux qui fixent les doigts de l'homme qui se baladent maladivement sur son poignet, chaque contact qui fait naître exponentiellement davantage de frissons. Et la mention des autres membres de son escouade déclenche des émotions en conflit, des paroles habituellement suffisantes pour déclencher l'éruption de cette colère qu'elle camoufle si bien; cette colère supplantée par l'effroi, même si le désir de les protéger reste toujours aussi fort.

Alors elle se libère finalement de son emprise d'un coup sec, le regard toujours en direction de son propre poignet; et elle tente de ravaler un peu de salive pour se débarrasser de cet assèchement dans sa gorge. Ils en savent plus que tu peux le croire. Elle se contente de cette faible défense, qui n'est pas nécessairement un mensonge; elle commence finalement à ne pas avoir peur de s'ouvrir, les mots autrefois bloqués au fond de sa gorge qui viennent un peu plus facilement aux côtés de ces personnes avec qui elle se sent en sécurité. Bye, Callum. Les mains à nouveau dans les poches de son sweater, le dos tourné, les pas qui tentent à nouveau de la guider vers le club d'astronomie.

Mais ce mauvais pressentiment continue de la guetter, mesquin, terrifiant.

Si prévisible.

Des notes de musiques, rougeâtres et enflammées tournent autour du musicien, fredonnant un air composé. Cette fuite ne sera jamais définitive. Tôt ou tard, elle devra se confronter à ses péchés, tous ces misérables secrets qui provoquent la vague à l’âme de tous ceux qui seront trop proches d’elle.

— Nous savons tous les deux que tu as toujours eu tendance à mentir. Tu ne crois même pas en ce que tu dis. Apprends déjà à te convaincre, peut-être qu’on finira par te prendre au sérieux.

Il n’est même pas amusé par cette situation. Ce petit chat qui souffle, sans griffes, ni même de crocs suffisants face à cette imposture. Callum connaît beaucoup trop de choses pour s’affaisser d’un air vain, surtout pour celle qui pense pouvoir se pavaner en toute impunité lorsqu’elle n’a absolument rien résolu. Le sourire se fait plus incisif, grouillant comme un diablotin aux idées méphitiques.

— Très bien. Retourne à tes constellations, petit chaton. Je vais certainement faire une visite à Nae Rae, toujours un immense plaisir de l’avoir dans mes bras. Ou tiens. Il claque des doigts. Je devrais rendre visite à mon nouvel ami. Tu le connais plutôt bien, c’est… un super combattant, notamment avec sa strangulation.

Il suffit d’un mot, nécessaire à entrevoir une réaction équivoque à ce qu’il recherche. Nocif poison qui empoisonne les mentalités, croisant les prunelles d’une jeune qui n’a rien demandé. Le prix a payé est toujours lourd avec le phénix, il en fait toujours une promesse qui ce grave à même la peau. Tourné vers elle, il octroie une salutation théâtrale exagérée, un bras derrière et l’autre devant, le buste penché et la tête relevée vers elle, sous un clin d’œil loin d’être amical.

— Je te souhaite une bonne soirée. Si tu ne veux qu’on partage encore un moment alors qu’on vient de se retrouver, quel dommage. Je leur montrerai un peu tout ce que l’on n’a pas pu se dire, alors.

Sinistre appel à l’évidence, de ces tentatives vaines à s’échapper des griffes d’un démon. Que ses choix apportent des conséquences terrorisantes au creux de ses reins, lorsque l’oiseau de feu se détourne. Il ne va pas tourner autour, l’ennui qui se présente trop tôt, lorsqu’il peut torturer d’autres petites âmes qui ne se doutent de rien. Il lui fait comprendre que la seule qu’elle protège, Yubin, c’est elle-même.