Where are we now... ▬ Jangmi

Une énième porte à pousser, deux lourds battants qui ouvraient sur une vaste salle dans laquelle s’étendaient des tables et des chaises à perte de vue. Combien “d’étudiants” attendaient-ils exactement ? Prévoyaient-ils une prochaine guerre dont nous ignorions tout ? Harassé par cette longue journée d’une présentation interminable des lieux, du corps enseignant, des attendus, des différents niveaux de capacités, j’accueillais avec soulagement la vue qui s’offrait à moi : au fond de la pièce se dessinaient un large comptoir derrière lequel plusieurs personnes s’affairaient à servir les nouveaux occupants de l’île.  

D’un pas traînant, je suivais à nouveau le groupe avec lequel j’avais passé ma journée, mais toujours sans un mot. Je m’emmurais dans un silence religieux, un mutisme volontaire tant certaines conversations me paraissaient puériles. J’étais à nouveau seul... cette pensée s’imposa à moi comme une évidence douloureuse. J’avais beau me tenir debout et narguer le destin d’un corps presque tout neuf, je me retrouvais à nouveau isolé... au fond, ne l’avais-je pas mérité ?  

Perdus dans mes songes, je ne fis pas attention à la personne qui prit place devant moi. Si je coulais un regard vers elle, une fraction de secondes seulement, je me raidissais aussitôt et relevais aussitôt les yeux vers ce visage que je ne connaissais que trop bien. Pour l’avoir admiré, idéalisé, aimé pendant près d’une dizaine d’année, mais aussi pour le haïr... j’ignorais quelles émotions se distillaient dans mes veines, était-ce la nostalgie ? Ou l’affliction d’une vie de couple dont il ne me restait qu’un goût acre et amer ?  « Tu es vivante... » lâchais-je d’un souffle.  

À l’instant où j’avais pu remarcher, j’y avais pensé : et si je la retrouvais ? Je l’avais cherché, en vain. J’avais nourri des pensées dévastatrices et des scénarios tantôt apocalyptiques, tantôt romantiques en m’imaginant de nouveau me tenir debout face à elle, et maintenant ? Rien... Je n’éprouvais que cette douleur cuisante et familière d’autrefois, le fauteuil roulant en moins. J’avais espéré la voir elle, pour ce qu’elle était, mais l’aura de Raehan planait encore au-dessus d’elle et réveillait la douleur de la trahison.