Échec et mat.

Siobhan était assis dans la salle commune du bâtiment de sa légion, son regard fixant le plateau d’échecs électronique devant lui. Il n’avait pas trop l’habitude d’y traîner, d’ordinaire, mais avait trouvé l’espace vide en y passant un peu plus tôt, et avait décidé de s’y installer pour y effectuer les quelques parties d’échecs qu’il avait planifiées. C’est ce qu’on lui avait conseillé pour travailler sa stratégie, après tout.

Devant lui, la petite mélodie annonçant la victoire du robot retentissait pour la énième fois. La machine venait encore de le battre, et il ne pouvait s’empêcher de ressentir un léger vertige, non pas d’excitation, mais d’exaspération. Comment était-il possible de perdre encore face à un adversaire programmé ? Etait-il si nul que ça ?

D’un geste lent, il rangea les pièces sur leur case d’origine, comme s’il espérait que ces mouvements puissent lui apporter la sérénité et le calme dont il avait besoin pour maîtriser ce jeu de plateau contre lequel il se sentait comme un rat dans un labyrinthe sans issue : toujours confronté à des culs-de-sac. C’était à se demander si ses échecs répétés n'allaient pas finir par éroder sa confiance en lui, à force de voir ses efforts constamment anéantis par la machine. Et alors qu’il se perdait dans ses pensées et qu’il tentait de ressasser ses dernières parties et autres placements, il aperçut un élève passer dans le couloir qu’il interpella aussitôt, sans réfléchir. « Hé, Ilsung ! Tu sais jouer aux échecs ? »

Le jeune homme descendait des dortoirs d’un pas rapide, désireux de prendre l’air et d’aller courir pour s’aérer. Pas qu’il soit très intéressé par la pile de bouquins aux côtés de son lit. Il cherchait donc à aller entretenir sa musculature rapidement, via un petit jogging de début d’après-midi. Mais alors qu’il traverse une des pièces communes, il se fait interpeller de façon vive par un de ses camarades d'escouade, Siobhan. Il se stoppe rapidement, regardant son vis-à-vis, en penchant la tête sur le côté, gestuelle nonchalante qui s’accompagne d’un regard sur le plateau. « Je connais les règles, oui. Tu veux de la compagnie ? » Face à sa réponse positive, il fait un léger sourire, avant de regarder autour de lui. C’est qu’il avait une petite soif, alors il regarde s’il n’y a pas quelque chose pour se désaltérer avant de s’asseoir face à l'autre jeune homme. « Tu veux du thé ? Je vais kidnapper une bouilloire et des tasses, ça m’aide à me concentrer ! Et puis j’ai soif. Vraiment soif. » Rapidement, le jeune homme part récupérer ce dont il a besoin et s’asseoir face à son interlocuteur. Il prend le temps de servir le thé à chacun d’eux avant de relever le regard vers Siobhan, affichant une sérénité qu’il ne ressentait pas vraiment. « Tu veux être les blancs ou noirs ?  » Il sentait sa mémoire s’éroder, ses souvenirs des règles se faisant flous alors qu’ils allaient commencer tranquillement à jouer, comme si sa mémoire ne voulait pas qu’il s’en rappelle. Mais le brun sait qu’il connaît les règles. Il ne pouvait pas perdre, n’est-ce pas ?