Toi, moi et la nuit ft Bang Se Jun

« Mais se laisser emporter par les vagues permet parfois de découvrir de nouveaux endroits. » Ils ne s’entendraient probablement pas sur ce sujet-là, mais ce n’était pas grave pour Haneul. Elle n’avait jamais été en colère ou frustrée à l’idée de ne pas pouvoir choisir son avenir, sa vie. Peut-être parce qu’elle n’avait jamais réellement eu l’occasion de rêver à autre chose, du moins avant de trouver ce qui la rendait heureuse, avant de devenir plus indépendante. Certes, maintenant qu’elle avait goûté à cette possibilité de choisir, elle regrettait de ne plus l’avoir. Mais elle aimait penser que les circonstances étaient différentes. Ce qui était sûre, c’est qu’elle était capable de voir ce que ces épreuves lui avaient offert, ce que Fantastic Row lui avait donné : des amis, une indépendance, de la résilience et probablement aussi un sentiment patriotique plus important. « Mais n’y a-t-il pas des idiots partout ? » Sourire dans la voix, yeux qui pétillaient alors qu’elle repensait à certains épisodes avec ses camarades militaires. « Je serai aussi là pour toi, si tu en as besoin. » Haneul fit cette promesse sans appréhension, repensant à quelques paroles de ses compatriotes fraîchement arrivés, de ce sentiment qu’ils étaient rempli d’un désir de vengeance. Si elle n’était pas encore sûre d’avoir les épaules pour les aider, elle espérait pouvoir leur être utile d’une manière ou d’une autre. Un jour. Si besoin. Mais si elle était honnête, elle n’en était parfois pas sûre. Et ça, elle n’était pas prête d’en parler à sa psychiatre pour la simple et bonne raison qu’elle n’arrivait pas à croire qu’elle respectait entièrement le secret professionnel.
Haneul n’arrivait pas à oublier qu’elle était une prisonnière de guerre, d’une certaine manière. Rae Han lui reprochait de ressasser le passé sans arrêt, mais comment aller dans l’avant quand on n’a plus rien sur lequel se reposer ? Accrochée à la main de Se Jun, la jeune femme le laissa la serrer contre lui, les larmes coulant en silence dès que son visage fut caché. Une nausée l’envahit alors qu’elle le sentait toucher son crâne, caresser ses cheveux, sentant sa peau frotter les cicatrices. Elle-même avait du mal à les toucher, alors elle ne comprenait pas qu’il ose le faire si facilement, n’osait pas relever le regard pour vérifier qu’il n’ait pas l’air dégoûté. Les mots qu’ils prononçaient, cette ferveur qu’elle entendait dans sa voix la distrayaient de ces pensées, lui permirent de retrouver son calme, de prendre de longues inspirations. Elle faillit lui demander de jurer qu’il la vengerait, mais elle avait trop peur des conséquences, des personnes qui seraient blessées pour atteindre cet objectif alors elle se mordit la lèvre inférieure pour ne rien dire. Une fois plus calme, sa voix à nouveau posée, elle laissa un murmure briser son silence : « J’ai peur de ce qu’ils veulent vous faire. Je ne comprends pas pourquoi ils ont tenu à recommencer après le fiasco qu’on a été. Je déteste les voir jouer avec nos vies comme ça. On ne mérite pas ça. Personne ne mérite ça. » Rouvrant les yeux, Haneul s’écarta légèrement pour croiser le regard du jeune homme : « Je refuse de les laisser vous faire du mal à vous aussi. Quatre d’entre nous, c’est assez, ils n’en auront pas quatre autres. » Elle savait pourtant qu’elle ne pourrait rien faire, qu’elle ne saurait pas quoi faire. Hormis prier pour qu’il y ait un peu de justice dans ce monde, pour leur peuple. « On trouvera la paix un jour, non ? » Parfois, elle ne désirait que ça : trouver la sérénité, la paix avec elle-même et le Sud.

Le jeune-homme reste silencieux pendant un moment, réfléchissant aux paroles de Haneul. Il ne peut s'empêcher de ressentir une certaine admiration pour sa capacité à voir le positif, même dans les situations les plus sombres. « Découvrir de nouveaux endroits, hein… » murmure-t-il, plus pour lui-même que pour elle. « Peut-être que t’as raison. Mais parfois, se laisser emporter, c’est aussi prendre le risque de se noyer. » Son ton est posé, presque détaché, mais une pointe d’amertume se glisse dans ses mots. Il a toujours eu du mal à accepter ce genre de philosophie, trop habitué à se battre pour garder le contrôle.

Lorsque la demoiselle mentionne leur promesse mutuelle de soutien, le nord-coréen ne répond pas immédiatement, préférant masquer les émotions qui pourraient transparaître. Il se contente d’un léger hochement de tête. « T’es forte, Haneul. Plus forte que tu le crois. » finit-il par dire, sa voix délibérément neutre. Il ne veut pas admettre à haute voix à quel point il est touché par son offre, par cette sincérité désarmante qu’il n’a pas l’habitude de recevoir. Il était convaincu que c'était à lui de la protéger, parce qu'il était un homme... Oui ; une idée sans doute dépassée par son temps mais héritée de son éducation stricte et imprégnée d'un patriarcat insidieux, banalisé.

En l’entendant parler de ses craintes, il serre légèrement les dents, un éclat de colère traversant ses yeux. Il comprend la peur de la jeune femme, mais pour lui, il est hors de question de se laisser manipuler une nouvelle fois. « Ils jouent avec nous parce qu’ils pensent qu’on est encore des pions, » dit-il d’une voix froide. « Mais cette fois, on ne se laissera pas faire. Je te promets qu’ils n’auront plus l’occasion de nous piétiner. » C’est un engagement qu’il prend autant pour lui-même que pour elle, une promesse silencieuse de ne plus jamais se laisser briser par ceux qui les ont déjà tant pris.

Finalement, il relâche doucement la demoiselle, cherchant ses yeux avec une intensité inhabituelle. « La paix… » Il laisse échapper un soupir, secouant légèrement la tête. « Je sais pas si on la trouvera un jour. Mais on peut essayer de la créer, à notre manière. Peu importe ce que ça implique. » Sa voix est plus dure maintenant, marquée par une détermination froide. « On fera ce qu’il faut pour que ce cercle vicieux s’arrête avec nous. Pour que personne d’autre ne subisse ce qu’on a vécu. » C’est une promesse, mais aussi un aveu de son propre désir de vengeance, qu’il dissimule derrière un masque de pragmatisme.

Peut-être qu’un jour Haneul tenterait de faire comprendre son point de vue à Se Jun, en lui expliquant exactement. Peut-être qu’elle arriverait même à le convaincre, qui sait ? Mais en tout cas, ça n’était pas aujourd’hui. La nuit semblait avoir délié leurs langues, la jeune femme ayant l’impression d’être dans un cocon protecteur avec son camarade. Que cela soit dû au rêve du jeune homme ou au simple fait qu’ils prenaient enfin la peine de se parler… Elle ne savait pas, mais elle n’était pas contre. Elle aimait se dire qu’elle pourrait être soutenue par quelqu’un, si besoin. Qu’il y aurait au moins une personne, dans son escouade, qui comprendrait quand ça n’allait vraiment pas. Elle sourit en l’entendant la qualifier de forte, une petite étincelle de fierté luisant en elle. Elle y croyait un peu, déjà parce qu’elle savait qu’elle avait réussi à affronter beaucoup de choses, certaines que personne n’aurait imaginé vivre un jour, probablement. Elle ne se sentait pas réellement forte pour autant, du moins pas comme il semblait le penser. Haneul ne dit rien, se contenta de sourire, acceptant le compliment en silence. Le gardant dans un petit coin, au creux de son cœur. Pour pouvoir les ressortir et les admirer lorsque ça serait trop dur, lorsqu’elle en aurait besoin. Si elle y arrivait. Le visage caché, des larmes coulant sur ses joues, la jeune femme écouta en silence, une sensation de prendre un bain d’eau glacé la recouvrant alors qu’elle entendait la conviction, la colère dans la voix de Se Jun. Si elle doutait avant, ça n’était plus le cas maintenant : il voulait se venger. Probablement que Rua aussi. Etaient-ils là uniquement pour ça ? Pour se venger ? Comment ? Quand ? Elle n’osait rien demander. Avait trop peur des réponses. Elle n’était même pas sûre de ce qu’elle voulait hormis la paix… « Plus personne ne doit souffrir. » Un murmure, encore et toujours. Parce qu’elle avait peur qu’il interprète mal. Elle avait rejoint l’armée pour servir son pays, pour protéger ceux qui ne pouvaient pas le faire seuls. Pas pour massacrer des gens. Pas pour tuer inutilement. « Je ne te demanderai pas de me le promettre, pas ça, mais je voudrai juste que tu n’oublies pas ça. Cette demande. Tu ne me dois rien et moi non plus, mais ne l’oublies pas. S’il te plaît. » S’écartant un peu plus, Haneul essuya ses joues et yeux avec la manche du pyjama qu’elle portait. Un léger rire lui échappa alors que son regard tombait sur le haut de Se Jun : « Désolée pour ton t-shirt, je n’avais pas prévu de le tremper. J’espère que tu n’attraperas pas froid comme ça. » Sourire en coin, ton plus léger pour essayer de quitter cette atmosphère pesante. Elle était initialement venue pour le distraire, l’aider à aller mieux, pas lui causer plus de troubles.

Le garçon écouta attentivement la jeune femme larmoyante, ses pensées oscillant entre sa propre quête de vengeance et le besoin de ne pas se perdre dans cette quête. Il comprenait bien ce qu’elle voulait dire sur la souffrance et la manière dont elle devait être évitée. Il savait aussi que, malgré sa volonté de ne pas devenir une personne qui inflige de la douleur inutilement, ses propres blessures et ressentiments étaient toujours présents. « Je vois ce que tu veux dire. » dit-il, d’une voix douce et mesurée mais ferme. « La vengeance ne devrait pas devenir une excuse pour faire souffrir les innocents. Je me bats contre ces sentiments de colère et de désir de revanche, mais il y a des personnes envers qui je ne peux pas simplement fermer les yeux. Certaines choses, certaines personnes... elles ont détruit trop de vies, y compris la mienne. » Le nord-coréen fit une pause, cherchant à équilibrer ses mots avec précaution. « J’ai grandi dans un environnement où la discipline et la douleur faisaient partie de l’éducation. C’est peut-être pour ça que la notion de rendre la monnaie de sa pièce est si enracinée en moi. Mais je ne veux pas que ce désir de vengeance me consume entièrement, ni que je perde mon propre sens moral dans ce processus. »

Il la regarda, les yeux emplis d’une détermination alors qu'il vient attraper un mouchoir en tissu propre qu'il avait dans sa table de chevet. Elle avait les joues souillées de larmes. « Je te promets que je ne chercherai pas à faire souffrir sans raison mais il y a des personnes, des situations où il sera difficile de rester totalement pacifique. Je ne vais pas ignorer la justice que je crois nécessaire. » Puis Sejun la regarda avec un sourire amusé, essayant de faire passer l’atmosphère pesante avec une touche d’humour. « Bon, puisque tu as décidé de transformer mon t-shirt en serviette de bain improvisée... » Il fit une grimace exagérée. Puis, avec un clin d’œil complice, il continua en regardant en direction de la petite tâche humide de larmes sur son t-shirt : « Ou alors c'est juste un prétexte pour que je le retire et que je me déshabille...? » Et voilà le naturel qui revient au galop. Maintenant qu'il était soulagé de son cauchemar et qu'il avait établi un lien de confiance avec elle, il se laissait aller. Le nord-coréen secoua la tête en riant, ajoutant : « Sérieusement, tu n’as pas à t’excuser pour le t-shirt. C'est rien, c'est que des larmes. » Avec cette touche d’humour, il espérait alléger l’atmosphère.

Haneul s’était doutée qu’elle n’aurait pas une réponse qui la rassurerait entièrement. Elle se doutait qu’elle ne ferait pas le poids face au désir de justice, de vengeance. Elle-même n’était pas sûre d’avoir envie qu’il laisse tout tomber, elle n’était pas sûre de ce qu’elle voulait à vrai dire. Enfin si. Elle savait qu’elle ne pourrait pas avoir ce qu’elle désirait réellement. Elle ne pouvait que hocher la tête en entendant la réponse de Se Jun, approuvant ce compromis. Elle ne pouvait qu’espérer réussir à protéger le seul qui comptait pour elle, ici. Celui qui avait su lui redonner envie de vivre. « Merci. » Petit sourire qui étirait ses lèvres afin de montrer sa sincérité car elle l’était. Elle était réellement reconnaissante de ses paroles qui, en toute honnêteté, la rassuraient un peu. Elle tenta malgré tout de ne pas trop s’inquiéter de l’avenir. Elle verrait bien ce qu’il se passerait quand ça arriverait… Désirant détendre l’atmosphère et perdre cette ambiance pesante, la jeune femme se força à prendre un ton plus léger en mentionnant les traces de larmes sur le t-shirt de son compatriote. Bien évidemment, celui-ci joua le jeu. Haneul était soulagée de voir qu’ils étaient au moins un minimum sur la même longueur d’ondes, même si leurs priorités et leurs opinions différaient sur d’autres sujets. Ou peut-être était-ce juste qu’il avait décidé de respecter le désir de la jeune femme. En tout cas, l’allusion qu’il fit glaça le sang de Haneul qui se força à garder son sourire, alors même qu’elle sentait que celui-ci s’était figé. Des souvenirs de la dernière nuit passée en compagnie de Rae Han remontèrent et la jeune femme se retint de justesse de se lever et de quitter la pièce. A la place, elle haussa les sourcils. « Ce ne sont que des larmes manifestement, mais… » Se dégageant, Haneul s’assit et toisa Se Jun du regard. « Manifestement c’est un bon prétexte pour avoir un comportement de mâle en rut ! » Sourire en coin, la jeune femme repoussa son compatriote d’un pied, l’envoyant valser à terre. « Sache, jeune homme, que je n’ai pas besoin d’une arme ni d’un pouvoir offensif pour réussir à te mettre au tapis. » Se penchant par dessus le lit, un sourire étira ses lèvres : « Littéralement, en l’occurrence. » Elle préférait ça. Elle préférait cette légèreté plutôt que penser à ce qui aurait pu se passer. Ce qui s’était passé ailleurs, avec quelqu’un d’autre. La nuit semblait déjà suffisamment compliquée comme ça, elle ne voulait pas que ses regrets et sa colère viennent encore plus la polluer. « Si tu promets d’être sage et de te tenir, je te laisserai remonter. Sinon je me ferai un plaisir de retravailler les cours de combat au corps-à-corps que la marine m’a donnés ! »

Le garçon observa Haneul avec une intensité qu'il dissimulait habilement derrière son sourire habituel. Chaque nuance de son visage, chaque micro-expression n’échappait pas à son regard perçant. Il la voyait lutter contre quelque chose d’invisible, une émotion qu’elle essayait de garder à distance. Ses yeux, bien que vifs et déterminés, trahissaient brièvement une forme de vulnérabilité. Cette façade de force, il la connaissait trop bien. C’était un miroir, un reflet de sa propre bataille intérieure. Haneul essayait, comme lui, de maintenir cette apparence de contrôle, de ne pas laisser les tempêtes internes éclater au grand jour.

Quand elle répondit à sa remarque taquine, le ton sec et la brusquerie de son geste le prirent par surprise. Il n'était pas sérieux avec sa proposition, mais il semblait l'avoir froissée. Il sentit l’impact avant de vraiment comprendre ce qui venait de se passer. Le sol froid contre son dos, il reste là un moment, sans riposter, une grimace amusée étira ses lèvres. Une chaleur familière l’envahit, un mélange de surprise, d’admiration et d'un défi silencieux qui faisait battre son cœur un peu plus fort. « Wow... Si on m'avait dit qu'on me mettrait un k.o technique de la sorte... », dit-il les yeux légèrement plissés, fixés sur le plafond au-dessus de lui.

Cette réaction brutale de Haneul, loin de le vexer, attisa quelque chose en lui. Il se demandait ce qu'on avait bien pu lui faire pour qu'elle réagisse aussi vivement. Son but n'a jamais été de la peiner, ou de lui raviver des choses horribles. Allongé sur le sol, il prit une profonde inspiration, cherchant ses mots. Le plafond lui semblait étrangement familier, comme un témoin silencieux de sa chute, mais c’est vers Haneul qu’il reporta son attention lorsqu'elle se penche au dessus de lui, dominante, avec cet éclat de satisfaction dans les yeux.

Se redressant lentement sur ses coudes, Sejun laissa échapper un rire doux, authentique, presque soulagé. Ce n’était pas souvent qu’il pouvait se permettre de baisser sa garde ainsi, de se laisser emporter par la simplicité d’un moment. « Je plaisantais, je n'étais pas sérieux, tu sais. », dit-il en levant les mains en signe de reddition, son sourire toujours figé sur ses lèvres. « T'as gagné, je plaisanterais plus sur ça. Désolé. Je peux revenir sur le bord de mon lit ou tu vas me laisser dormir par terre comme un malpropre? », ajouta-t-il avec un clin d’œil malicieux.

Cet instant de légèreté, aussi fugace soit-il, ramenait un peu de lumière dans son monde habituellement assombri par les souvenirs et la vengeance. Haneul avait cette capacité rare de le ramener au présent, de lui rappeler que tout n’était pas qu’une question de douleur, de contrôle ou de justice à rendre. Avec elle, même brièvement, il pouvait se permettre d'être simplement humain. Alors qu'il la regardait avec un sourire en coin, Sejun se demanda si elle se rendait compte de l'effet qu'elle avait sur lui. Peut-être que oui, peut-être que non. Mais il lui en était reconnaissant, même s’il ne savait pas encore comment lui exprimer cela. Haneul lui apportait une ancre, un lien avec la réalité, loin de ses cauchemars et de ses désirs de rétribution. Et, pour la première fois depuis longtemps, il se sentait… presque serein, même si cela ne durerait sans doute qu’un instant.

Si on avait dit un jour à Haneul qu’elle serait mal à l’aise en partageant un lit avec un homme… Eh bien elle n’aurait pas cru que c’était possible. Sa réaction envers Se Jun avait peut-être un peu trop violente, tout compte fait, mais elle n’avait pas pensé qu’il réagirait ainsi. Ni qu’elle réagirait ainsi. « Contente de voir que je suis encore capable de prendre quelqu’un par surprise. » Leurs regards se croisèrent alors qu’il était encore allongé au sol. Elle ne pouvait pas s’empêcher de se sentir un peu satisfaite d’elle-même en le voyant ainsi, il était la preuve qu’elle était capable d’avoir le dessus sur quelqu’un, physiquement du moins. Le jeune homme finit cependant par se redresser, semblant s’être remis du choc et s’excusa, d’une certaine manière. Haneul força ses muscles à se détendre et offrit un sourire à Se Jun : « Et moi j’ai trop souvent travaillé avec des hommes, j’ai vite appris à les remettre à leur place. J’espère que tu ne t’es pas fait mal ? » Petite pointe d’amusement en posant la question, elle se doutait qu’au pire il aurait quelques bleus sans gravité, ce qu’elle trouverait très drôle vu les circonstances. Toisant à nouveau le jeune homme, Haneul effaça tout humour de son visage, espérant lui faire peur cette fois : « Je ne sais pas… Mérites-tu de revenir sur ce lit ? N’est-ce pas mon territoire, maintenant que je t’en ai dégagé ? » Un sourire échappa à la jeune femme qui se mordit la lèvre pour essayer de le contenir avant de laisser tomber. « Allez, monte ! Je ne voudrai pas qu’on puisse dire que les premières années sont mal traitées chez les Bulgeunsae ! » Se décalant, Haneul s’assit en tailleur contre la tête du lit, laissant ainsi de la place à Se Jun à côté d’elle. Tendant l’oreille, la jeune femme fut soulagée d’entendre le silence répondre aux mouvements de son compatriote. C’était simple d’oublier qu’ils n’étaient pas seuls, qu’il y avait d’autres personnes qui dormaient à côté. Qu’il faisait encore nuit. Regard dans le vide, tourné vers la fenêtre et le ciel étoilé, Haneul se laissa emporter quelques instants par ses pensées avant de se tourner à nouveau vers le jeune homme : « Est-ce que je peux demander comment c’était, quand tu étais plus jeune ? » Ramenant ses jambes contre elle, la jeune femme laissa un sourire gêné étirer ses lèvres. « J’avoue que j’ai toujours été curieuse de savoir comment c’était, de grandir en ville, de grandir avec de l’argent, du prestige… Mais je pourrai aussi comprendre que tu n’aies pas envie d’en parler. Tu n’es pas obligé de répondre. » Elle savait qu’elle pourrait remuer des souvenirs douloureux, mais elle était réellement curieuse. Comme elle l’avait dit plus tôt : elle n’avait jamais l’occasion de ressasser de vieux souvenirs.